Feminin : un adjectif qui ne doit pas faire peur

Cela faisait bien longtemps que je ne m’étais pas posée devant mon clavier pour écrire un article, et pourtant il s’en est écoulé des choses depuis ma dernière publication : Roland-Garros , Wimbledon, la coupe du monde , le tour de France, … j’ai parfois eu des ébauches, mais prise dans la découverte de Berlin où je suis depuis quatre mois, je ne suis jamais allée au bout de mes articles.
Certains m’ont demandé pourquoi je n’avais tout de fois rien écris sur la coupe du monde, c’est vrai j’aurais pu vous parler de cette demi- finale dont personne ici ne s’est encore vraiment remis , de la finale si oppressante, pendant laquelle les milliers d’allemands rassemblés devant chaque écran géant retenaient leur souffle, jusqu’à cette explosion de pure joie et communion totale à la 117ème minute. Cependant prise dans la tourmente et l’ambiance de l’événement il était si dur de trouver le temps, le calme et les mots justes pour partager cette histoire.

 Toutefois aujourd’hui un sport qui me tient vraiment à cœur, mais qui n’est que trop peu mis en valeur en France, voire même parfois dénigré dans un paysage conservateur et très masculin, m’a redonné envie de mettre les doigts sur le clavier, il s’agit du rugby féminin.
Mon premier contact avec la pratique du rugby fut une brève mais intéressante initiation au collège. Ensuite pendant très longtemps je me suis contentée de le suivre à la télé ou dans les stades en spectatrice.  C’est bien plus tard en école d’ingénieur qu’après avoir reçu un message anodin d’une amie d’enfance, me demandant si je ne connaissais pas des filles qui pourraient être intéressées par monter une équipe de rugby, que je me suis moi-même retrouvée embarquée dans l’aventure. Et quelle aventure ce fut, ce sport avait tout : de l’intelligence de jeu, un engagement physique totale et unique, une technique pointue. Le moment le plus marrant fut de l’annoncer à ma famille, ils l’ont pris au départ en rigolant, un peu comme si ce n’était qu’une immense blague, sortant quelques gros clichés et préjugés sur ce sport pratiqué au féminin, mais faisant partie d’une famille de passionnés de sport, ils ont compris et accepté que ce n’était pas une blague.

Je vous parle de rugby féminin aujourd’hui car débute en ce moment à Marcoussis et Paris la Coupe du Monde de Rugby féminin à XV. S’y  rencontrent les 12 meilleures équipes mondiales, partagées en 3 poules, seule la première équipe de chaque poule et le meilleur deuxième sortiront des poules pour s’affronter directement en demi-finale.
La France, pays hôte de la compétition et forte d’un récent Grand Chelem au tournoi des 6 nations, part pleine d’ambition, espérant atteindre sa première finale après de nombreuses demies lors des dernières éditions, tout en rêvant secrètement de lever le Graal sur ses terres.
Elles auront comme principaux adversaires la Nouvelle-Zélande et l’Angleterre, finalistes des trois dernières éditions, mais avant cela il faudra passer les poules, où les attendent l’Australie, l’Afrique du Sud et le Pays de Galle.
Women's Rugby World Cup launched in Paris
Rien n’est jamais facile dans le sport féminin

Le rugby féminin en France est un sport très peu médiatisé,  les matchs importants de l’équipe de France ont commencé à être retransmis par France 4 il y a seulement 2 ans. Les joueuses du Top 10, équivalent féminin du top 14, ont toujours un statut d’amatrice et doivent donc conjuguer travail, 3 entraînements par semaine, préparation physique et les matchs le weekend. De plus pour les internationaux de longs déplacements lors de la tournée d’automne et le tournoi des 6 nations. Une situation peu évidente que ces joueuses embrasent uniquement par pure passion pour ce sport. Capitaine de l’équipe de France jusqu’au dernier tournoi des 6 nations en mars, Marie-Alice Yahé racontait l’an dernier :
« La plupart des joueuses du XV de France travaillent. Comme il y a de plus en plus de rassemblements, on finit par prendre des congés sans solde. Plusieurs filles ont même dû quitter leur boulot ».
«Même si de nombreux employeurs y mettent de la bonne volonté, le Tournoi, en général c’est la période où on se fait renvoyer…»

Et ces joueuses bravent tous ces obstacles pour une seule et unique chose, mais qui à leurs yeux vaut tous les sacrifices possibles :
« Nous n’avons ni salaire, ni médiatisation. Notre seule récompense est le maillot de l’équipe de France, alors on se bat pour lui ».
N’est-ce pas la seule qualité que nous attendons de nos équipes nationales, et que dernièrement nous avons par instant regretté chez certaines équipes masculines ?

L'équipe de France est ambitieuse avant de débuter sa Coupe du monde.  (L'Equipe)

Malgré les critiques elles respirent Rugby

Depuis plusieurs années ce sport a dû essuyer des critiques machistes, pas toujours réellement pensées et souvent uniquement provocatrices pour faire le buzz, mais qui n’ont en rien aidé le rugby féminin à se développer et toucher un public plus large , voici les plus connues :
En 2007 dans une interview pour femme actuelle Galthié avait joué un peu le provocation en disant que :  » Pratiquer le rugby pour une femme, je ne pense pas que ce soit idéal, il y a des sports plus féminins (…) »  et que le rugby est « un sport masculin.« , tout insistant bien sur le fait que ses propos n’était pas du tout machiste.
En 2011 Marc Lièvremont, ancien sélectionneur du XV masculin, y est également allé de sa petite phrase. « Ma sœur a joué au rugby, malheureusement ! On était catastrophé dans la famille. Elle s’est fait mal, évidemment .Elle a aussi longtemps subi le rugby à la maison. Faire comme ses frères, ce n’était pas montrer sa personnalité. Dès qu’on écorche un peu le rugby féminin, on passe pour un gros macho, ce que je ne suis pas. Mais je considère qu’il y a des sports plus féminins. »

En 2013, Pierre Camou, président de la FFR , a dit : « Le rugby féminin, ce n’est ni du rugby ni féminin »
Toutefois à propos de ce dernier Marie-Alice Yahé confiait : « Je pense qu’il a changé d’avis depuis. Pour lui, il n’y a pas de rugby féminin, il n’y a que du rugby. Il nous traite comme n’importe quelle équipe nationale. Et depuis sa prise de fonction, la FFR nous aide autant qu’elle peut, notamment sur le fait de jouer au Stade de France ou d’avoir des matches retransmis  »
Comme quoi ces filles peuvent convaincre et faire changer d’avis les plus dinosaures de ce milieu, car en effet elles pratiquent bien du rugby et ont les mêmes valeurs, références, et envies que les garçons. Pour vous en convaincre voici des extraits , des portraits des joueuses de l’équipe de France, réalisés par le FFR pour promouvoir ce groupe en vue de la coupe du Monde :

En geste technique elles s’y connaissent tout autant :

geste_prefere

Leurs valeurs n’ont rien à envier à celles du XV masculin :

Valeurs

Et bien sûre comme tout bon rugbyman français, il y a une chose qu’elles aiment vraiment plus que tout, c’est battre les anglaises et encore mieux chez elles :

souvenir

 Féminin n’est pas un gros mot

Dans son portrait Koumiba Djossouvi répondant à la question « Que représente pour toi cette Coupe du Monde 2014 en France ? » disait :
« L’opportunité de montrer la qualité de notre jeu. Pour moi il s’agit de faire voir au grand public que les filles jouent au rugby à leur manière et que c’est plaisant à regarder sans rien envier au rugby masculin. Ni mieux, ni moins bien. C’est aussi l’occasion de montrer ce dont nous sommes capables malgré notre statut d’amateur. ».
Et ce Rugby à leur manière la trois quart centre néo-zélandaise , Amiria Rule, le décrivait ainsi lors d’une récente interview pour Sport24 : «On essaie toujours de faire vivre le ballon, qu’il y ait quelqu’un au soutien, peu importe son poste. Nous pratiquons un jeu très ouvert, très offensif. Comme la France d’ailleurs.».
Un jeu très alléchant et apprécié des supporters qui font le déplacement dans les stades, et quand on les interview une chose ressort, et qui pour moi est essentiel, c’est que c’est différent du Rugby masculin, ce n’est pas tout à fait le même sport.
Alors quand dans son interview Marie-Alice Yahé disait également « Dans rugby féminin, féminin n’est qu’un adjectif. » je vais peut-être en surprendre plus d’un mais je ne pense au contraire pas qu’il faille dissocier Rugby de son adjectif féminin. A  mon sens c’est là où est la clé, on parle ici de Rugby FEMININ, un sport à part entière, si les femmes se mettent au sport ce n’est pas pour copier les hommes, mais parce qu’elles aussi se retrouvent dans les valeurs de cette pratique, et y prennent du plaisir de l’envie et de la passion. Elles partent des même règles, toutefois en jouant avec leurs qualités qui sont différentes des hommes, et en viennent donc à développer un jeu qui leur est propre et différents du Rugby masculin. En revanche  je rejoins Marie-Alice quand elle précise ensuite : « Nous avons un bon niveau et notre jeu est basé sur la vitesse et l’évitement, notions que beaucoup regrettent chez les garçons. Si les gens sont réfractaires, soit ils n’aiment pas les filles, soit ils n’aiment pas le rugby ». Alors si tu es un amateur de sport et curieux de nature, que tu veux découvrir une pratique encore peu connu, alléchante et qui te fera vibrer tout autant que ce que tu as pu déjà voir, laisse les préjugées au placard et allume France 4 à partir d’aujourd’hui ou rends toi au stade pour la coupe du monde de Rugby FEMININ à XV.

Fanny P

La joie des Françaises, qui ont soulevé le trophée après leur victoire face à l'Irlande. (L'Equipe)

Le programme des Bleues :
1er août (20h45), match de poules : France – pays de Galles, à Marcoussis
5 août (20h45), match de poules : France – Afrique du Sud, à Marcoussis
9 août (20h45), match de poules : Australie – France, à Marcoussis
13 août, match de classement ou demi- finale : au stade Jean-Bouin
17 août, match de classement ou finale : au stade Jean-Bouin

Les textes et dossier et qui ont inpiré et amené cet article :
http://www.lequipe.fr/Rugby/Actualites/-feminin-n-est-qu-un-adjectif/353840
http://sport24.lefigaro.fr/rugby/actualites/un-all-black-peut-en-cacher-une-autre-706864#xtor=AL-5

Cliquer pour accéder à 84b4e6fc55dce2f96d9e2ab7672af959.pdf

http://sportissima.wordpress.com/2013/10/30/les-poules-de-la-coupe-du-monde-de-rugby-feminine-2014/

 

3 réflexions sur “Feminin : un adjectif qui ne doit pas faire peur

  1. Re,

    J’ai lu ton papier après que tu me l’aies suggéré sur BeIN Sports YourZone.

    J’aime bien ton approche, qui s’appuie sur beaucoup de citations. C’est fou quand même, le nombre de bêtises que peuvent dire certains, en pensant qu’en précisant, « attention, je ne suis pas macho » en début ou fin d’argumentation, ils se dédouanent de tous propos sexistes.

    Ce qu’a dit Koumiba Djossouvi, est très juste (je trouve):
    « Pour moi il s’agit de faire voir au grand public que les filles jouent au rugby à leur manière et que c’est plaisant à regarder sans rien envier au rugby masculin. Ni mieux, ni moins bien. »
    Ni mieux, ni moins bien. Seulement différent!
    Cela résume bien la situation. En effet, le rugby féminin est un sport à découvrir, et à apprécier (ou pas… chacun ses goûts) plutôt qu’à TOUJOURS comparer avec son homologue masculin.
    Car on peut se prêter au jeu des comparaisons, c’est humain, mais il ne faut pas oublier que le rugby féminin reste un sport à part entière qui existe en tant que tel, pas seulement à travers sa mise en parallèle permanente avec le rugby masculin.

    Au fait, je m’étais risqué à un article abordant le thème (plus global) du sexisme dans le sport.
    A l’occasion, tu pourrais me dire ce que tu en penses
    http://yourzone.beinsports.fr/le-sexisme-dans-le-sport-entre-attenuation-et-persistance-73232/

    En tout cas, merci de la lecture proposée, et bravo pour l’article!

    • Merci beaucoup d’avoir pris le temps de me lire.

      Je suis aussi sidéré par le nombre de gens précisant à chaque fois  » non je ne suis pas macho, mais … » comme si cela pouvait justifier et dédouaner leur propos.

      J’ai aussi été touchée tout de suite par la phrase de Koumiba Djossouvi qui résumait pour moi parfaitement ce que doit être le rugby féminin, un sport à part entière.

      Après avoir lu ton article sur le rugby féminin j’avais pris le temps de regarder un peu tes autres articles et je suis donc tombée sur celui sur le sexisme dans le sport, que j’ai aussi beaucoup apprécié, je prendrais le temps d’y retourner pour t’y laisser un commentaire.
      c’est en tout cas vraiment rafraîchissant de voir des gens se lancer sur ce genre de sujet, même si c’est pas toujours évident et assez risqué.

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